Quand Rivadavia expulsait les Récollets

- Basilique Nuestra Señora del Pilar, Junin 1904, Recoleta

La page du siècle des Lumières était tournée, mais ses idées qui avaient submergé l'Europe allaient traverser l'Atlantique.
Dans ces contrées du bout du monde, San Martín se battait au nord de l'Argentine, avec l'idée que l'Indépendance ne pouvait être certaine que lorsque tous les peuples, Péruviens et Chiliens avant tout, seraient libérés du joug espagnol. L'hispanophobie avait atteint son paroxysme et toute la société porteñienne inclinait pour la culture française : dans la mode, dans les divertissements, le théâtre, les salons littéraires.La situation politique, elle, était chaotique. Entre 1819 et 1821, le pouvoir changea de main très rapidement : José Rondeau venait d'être nommé Directeur Suprême qu'il confiait déjà les rennes de l'état à Juan Aguirre López... Pour aller se faire étriller par les "Caudillos du Littoral" à la bataille de Cepeda (1). Manuel de Sarratea, mis en place par les vainqueurs, avait été rapidement remplacé par Miguel Estanislao Soler et Martín Rodríguez succéda à Dorrego qui avait un instant assuré l'intérim. Rodríguez compta dans son gouvernement un dénommé Bernadino Rivadavia (2), partisan de l'isolationnisme de Buenos Aires, réformateur forcené. En 1821, dans un pays où tout restait à construire, Rivadavia fit étrangement de l'expulsion des Frères Recollets (3), de la fermeture du couvent où ils vivaient et de l'église où ils officiaient depuis 1732, l'une de ses priorités .
Il était sans doute plus important d'abolir les privilèges de l'Église, de supprimer la dîme, de lui ôter tout pouvoir social et éducatif que de donner à San Martín les moyens de construire une grande nation argentine. Les idées prévalaient sur les actes, la Raison sur le spirituel : les Récollets en furent les victimes.

(1) Bataille ayant eu lieu le 1er février 1820 aux abords de la localité de Cepeda. La victoire des "caudillos" du littoral mit fin momentanément au pouvoir central de Buenos Aires, et au gouvernement du Directeur Suprême Rondeau qui avait remplacé Pueyrredon moins d'un an plus tôt.

(2) Devenu Président d'une République sans constitution le 7 février 1826, il engagera de nombreuses réformes : création des Archives Nationales, réorganisation de la Justice, suppression des "
cabildos", promulgation de la fameuse loi d'emphytéose, mise en place du système lancastérien dans les écoles. Ces réformes ne s'imposeront qu'à la Province de Buenos Aires, et d'autres ne seront jamais appliquées malgré les prêts consentis par les banques.

(3) Ordre Franciscain fondé en Espagne au XVe siècle, qui s'installa en France par la suite : en 1592 à Nevers et en 1608 à Paris au couvent des Récollets à côté de la Gare de l'Est (aujourd'hui Maison de l'Architecture)

1 commentaire:

Bételgeuse a dit…

J'ai envoyé le lien vers ton blog à des amis : voici leur réaction.
"J'ai regardé le blog de Vincent. Il a un réel talent. On voyage au travers de ses photos. C'est magnifique. J'espère qu'il sera repéré ! "
Tu vois que tu es doué pour ça ! Continue !